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"To all of you, american girls"

Publié le

L'une est une jeune femme cérébrale qui aime la photographie et la musique indie folk. L'autre est une tueuse à gages complètement déjantée. L'une s'appelle Max Caulfield, l'autre Rubi Malone. Lumière sur deux héroïnes de jeux vidéos que tout oppose.

 Gameuse depuis à peu près la nuit des temps (j'ai eu la NES et Super Mario Bros/Duck Hunt quand ils sont sortis... et depuis je ne me suis jamais arrêtée), je crois pouvoir dire qu'après les GTA, mon jeu préféré est Life is Strange. Ça y est, c'est dit. Pas si facile de choisir.
Avec ce jeu, c'était la première fois, à mon sens, qu'un personnage féminin sortait autant des sentiers battus sans qu'on soit non plus dans une surenchère féminisée ou anti-féminisée. Pourquoi surenchère ? Parce qu'avant ça, j'ai comme beaucoup joué à Tomb Raider, Resident Evil, puis à Final Fantasy, Mirror's Edge et autres, dans lesquels on incarne ou on peut incarner un personnage de femme. Mais elles restaient des personnages très stéréotypés (moins pour Faith dans Mirror's Edge, il est vrai). Et puis un jour, je suis tombée sur le jeu WET, dont l'héroïne, Rubi Malone, est une tueuse badass qui crache des insanités, picole comme un trou et a le cœur sec. Je me suis défoulée en l'incarnant, ça a eu quelque-chose de jouissif, mais le personnage de Rubi a été écrit en mode surenchère justement. Elle est en quelques sortes une parodie à elle toute seule. Ce qui est dommage pour WET, sinon on aurait pu frôler l'excellent jeu (avec un scenar un petit peu moins nanar et un gameplay un peu moins répétitif, ça aurait été pas mal non plus).

Rubi Malone :

 

 

WET est un gamefight à la Max Payne, sorti en 2009. C'est un bon gros jeu de tirs à la troisième personne dans lequel le synopsis n'est vraiment pas le plus important. L'important dans WET, c'est de bourriner ! L'héroïne Rubi Malone, est une tueuse à gages qui remplit des missions pour de gros bonnets du crime et de la drogue.
Rubi est une dure à cuir et une excellente tireuse qui manie également l'épée comme personne. Sa particularité est de sortir ses double-flingues et de pouvoir viser deux enfoirés à la fois. Très vite, on devient addict aux scènes de dézingage pendant lesquelles elle court sur les murs, tire à tout va dans de longues glissades au ralenti, en sautant ou en se laissant tomber le long d'une échelle. J'aurai pu vous concocter un petit Gameplay, mais faute de temps, en voici un (attention, pour les plus jeunes, WET est un jeu violent).

 

 

Tout pour plaire ? Ben... pas totalement. Le clin d’œil de l'ambiance Grindhouse à la Robert Rodriguez est sympa et la bande-son est phénoménale (voir plus bas), mais malheureusement Rubi est le fruit du cerveau de mecs qui ont avant-tout voulu la rendre, disons-le clairement, bandante (selon des critères ultra clichés) et rock'n roll. Quand je lisais des articles au sujet de ce jeu à l'époque, je retrouvais toujours les mêmes réflexions, du style : "Vous aimez le rock et les gonzesses bien carrossées ?"...
Rubi emploie à tours de bras des expressions sexualisées empruntées aux hommes qu'elle combat. Et avec une version VF, c'est encore plus vulgos. Dans un jeu de baston mafieuse, entendre des "Fuck" et des "You suck", on s'y attend; mais des "Vas te faire suc**", "Va te faire bais**", ou "Tu n'as pas de boules", ben, ça manque quand même de classe.

 

 

Toutefois, si on oublie le physique banquable de Rubi et sa grossièreté maladive, on prend quand même pas mal son pied dans cette atmosphère de western moderne. En particulier lors de séquences de "Rage" pendant lesquelles le visage de Rubi se tache de sang et que le décor devient alors rouge, noir et blanc. Ce qui n'est pas sans rappeler le mode "Rage" de notre bon vieux Trevor Philipps dans GTA V, durant lequel il voit rouge et déconne encore plus à pleins tubes que d’habitude (pourtant, 'faut y aller !).
Dans WET, pendant ces séquences, le jeu s'accélère alors qu'il est déjà à la base bien speed. On peut vraiment y passer de bons moments. WET est en tous cas un peu plus qu'un gros défouloir et je garde pour son héroïne au caractère trempé inégalé, une grande tendresse; tout simplement parce qu'elles ne sont pas si nombreuses, les personnages féminins de jeux vidéos, à avoir le premier rôle.

Voilà donc, pour rebondir, pourquoi, à contrario de WET, le jeu Life is Strange, a totalement tout buté ! en tous cas pour moi : parce que son personnage principal est juste une jeune femme "ordinaire" (bon ok, elle a le pouvoir de retourner dans le passé), douée d'un esprit critique aiguisé et d'une sensibilité en dehors des clichés rabattus.

Max Caulfield:

 

 

 Maxine Caulfield est l'héroïne de Life is Strange, jeu développé par le studio parisien Dontnod Entertainment et sorti en 2015. Ce jeu se décline en plusieurs épisodes téléchargeables et se joue en vue objective, à la façon d'un série interactive, puisque l'on choisit les actions du personnage (on a le choix entre plusieurs propositions).
Le/la joueu-r-se  incarne donc Max, étudiante en photographie à Arcadia Bay, petite ville côtière, dans laquelle, en principe, rien de spécial n'arrive. Jusqu'au jour où une étudiante  (la fille à première vue "populaire" du campus) disparaît. On peut noter au passage une certaine similitude avec la série Mystères à Twin Peaks.

L'intro du jeu m'a personnellement coupé le souffle, tant je l'ai trouvée réaliste. En effet, on voit d'abord Max en salle de cours, semblant sortir d'un genre de rêve éveillé. A la fin du cours, on entre dans sa peau et on va discuter avec le prof de Photographie. Puis Max sort dans le couloir, elle nous murmure "Welcome to the real world", met ses écouteurs, rentre dans sa bulle bien à elle et sur le début d'une chanson de Syd Matters, commence à avancer doucement en observant ce qui l'entoure. On entend alors ses pensées, et on découvre qui est qui, tout le long de sa marche dans le couloir. Dès le début, on note une sacré bonne dose de second degré chez elle, ainsi qu'une pertinence qui font un méchant bien. On remarque vite aussi qu'elle est réservée, mal à l'aise en société, douce, un peu effacée en même temps que charismatique, car différente. A partir de ce moment là, on sent en tous cas qu'on ne va pas être dans un jeu "normal" mais dans quelque-chose de bien plus grand, qu'on n'a jamais connu jusque là (intro que l'on peut découvrir ici).

 

 

Sans vouloir trop en dévoiler, on peut quand même expliquer que Max va être confrontée à de gros dilemmes, puisqu'elle se rend compte qu'elle a la capacité de pouvoir rejouer des moments passés et donc, de pouvoir changer certaines choses. Elle fera donc les frais de l'Effet papillon, et pas qu'un peu, puisque ça ne tournera évidemment pas toujours comme elle le souhaiterait.

Le thème central, c'est donc la disparition de Rachel Amber. Le jeu peut paraître assez gentillet au début, mais petit-à-petit on découvre une tournure des choses hyper glauque et avec ça, de gros enfoirés. Le suspens est présent jusqu'à à la fin, avec des scènes parfois très oppressantes. Parmi les personnages, on retrouve quelques figures inévitables des films de teens amércains : la meuf peste dont les parents sont pétés de tunes (et qui comme il se doit, se fout de la gueule de Max), un skateur énigmatique, une fille anorexique aux idées noires, ou le pote de Max, Warren, geek surdoué asocial, un peu collant mais gentil. Toutefois, ce qui fait la richesse du scenario, se trouve dans le fait que les personnalités des protagonistes se révèlent bien moins lisses qu'il n'y paraît. Par exemple, on découvre dans le second titre, Life is strange - Before the Storm, sorti en 2017, que Rachel Amber avait en fait une personnalité pas mal torturée (Trailer).

 

 

Mais Life is strange c'est avant tout, au départ, une histoire d'amitié profonde autant que complexe, qui unit Max et Chloé. Chloé est un peu l'anti-thèse de Max, elle se montre rebelle, délurée, elle boit de la bière, fume des joints, écoute du bourrin et n'hésite pas à se mettre en danger. Ce qui est très bien vu dans leur histoire, c'est le cheminement de leur relation. On découvre en effet que Max a quitté Arcadia Bay quelques temps et que lorsqu'elles se sont retrouvées, quelque-chose était différent entre les deux amies, sans pour autant être brisé. Les voir essayer toutes deux de raccrocher les wagons de rigolades et confidences passées, est émouvant. Comme l'ambiance générale, d'ailleurs.

Les scènes que j'affectionne particulièrement sont les "Moments of calm": ce sont des scènes que l'on rencontre régulièrement dans le jeu (dans les différents titres), pendant lesquelles Max se pose simplement à un endroit et.... il ne se passe rien. On est juste auprès d'elle dans ce moment, avec un air de musique tout doux et la caméra qui divague un peu autour de nous.
Si je devais choisir un de ces moments, ce serait celui-ci. Max se trouve dans un genre de dépotoir sauvage dans un bois près de la voix ferrée. Endroit visiblement squatté à l'occasion par quelques junkies. Après avoir fouillé pour trouver des indices au sujet de la disparition de Rachel, Max s'assoie contre un arbre. On voit les vieux meubles et objets laissés là par leurs propriétaires, mais aussi la nature qui vit autour. Les "Moments of calm" sont chaque fois emplis d'une nostalgie non verbalisée, ce qui la rend encore plus palpable. J'ajoute que l'élément extra là-dedans, c'est que c'est le/la joueu-r-se qui décide de quand Max se lève (la cinématique ne s'arrête pas seule).

Mais il ne faudrait surtout pas tout dévoiler !  Jouer à Life is Strange, ce n'est pas seulement jouer, c'est vivre une page de vie hors du commun avec des personnages ordinaires. C'est aller à la rencontre de deux jeunes femmes attachantes, qu'on regrette de devoir laisser quand ça se termine. Pour ma part, j'ai rarement autant pleuré après avoir fini un jeu. Si ça vous intéresse, vous pouvez lire un texte de qualité à propos de Life is strange et du sexisme qui tarde à disparaître dans les jeux videos: c'est sur le site de  Deuxième page. Certains éditeurs on en effet refusé de sortir le jeu car le personnage principal était une femme et que les joueurs hommes, pour la majorité, ne se seraient d'après eux, pas "identifiés". Seul Square Enix a accepté de ne pas changer une ligne du scenario. A noter qu'à travers la lecture de l'article de Deuxième Page, j'ai pu découvrir l'existence d'un add-on du jeu The Last of Us, qui fait très envie : Left Behind, sorti en 2014 (Trailer).

(Deuxième page est un webzine participatif bénévole. qui traite de sujets culturels sous un jour féministe et dans une volonté de justice sociale).

 

La playlist cliquable qui a accompagné l'écriture de cet article :

Life is strange Soundtrack - To all of you, Syd Matters

Life is strange Soundtrack - Obstacles, Syd Matters

Life is strange Soundtrack - Crosses, José Gonzalez

Life is strange Soundtrack - A moment of calm (Gameplay of a musical moment)

WET Soundtrack - The Undead West, Knock Galley West

WET Soundtrack - Insane, The Arkhams

WET Soundtrack - En Diablo, The Chop Tops

 

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